Sédir, les visions de l’apocalypse par l’apotre St Jean, visions de Pathmos

Les visions de Pathmos doivent être considérées comme excellemment chrétiennes.

Tout être humain chez lequel les rapports avec l’Invisible sont conscients assiste à des scènes de l’Au-Delà; mais l’intérêt, la qualité, l’opportunité de ces scènes, leur vérité, c’est-à-dire leur coïncidence avec l’équilibre mental du visionnaire et les besoins normaux du public, varient depuis l’extrême sottise jusqu’au plus admirable génie, depuis la plus basse perversité jusqu’à la bonté parfaite. Toute vision obtenue par un procédé humain porte en soi un germe impur et ne doit être examinée qu’avec l’esprit critique le plus aigu.

Telles furent les révélations des initiateurs religieux autres que le Christ. Ces hommes, quelque gigantesques qu’ils se dressent devant nous, ne sont tout de même que des hommes; qu’ils aient été les constructeurs de leurs pouvoirs étonnants, ou qu’ils les aient reçus de quelque formidable gouverneur cosmique, ils ne sont pas sortis du Créé, du relatif, donc de l’Imparfait, du Reflet, de la Réfraction. Voilà le vice natif des Ésotérismes sans exception. Le Christ étant le Créateur, le Parfait, le Réel, le Verbe, donne seul à ses disciples, selon leur capacité réceptive, la Vérité, en tout ordre. Les mythologies, les poèmes sacrés sont l’histoire naturelle de la moitié invisible de chaque sphère religieuse; pris en bloc, ils forment la géographie d’une partie de l’Invisible relatif ou naturel; tandis que quelques passages de l’Évangile avec l’Apocalypse nous donnent un aperçu de l’Invisible surnaturel ou éternel.

Ce que je vais vous dire ne sera donc pas de l’Occultisme, mais bien du Christianisme dans un de ses aspects peu étudiés, parce que pas très nécessaires à connaître. C’est la description d’un petit coin du Royaume des Cieux; accordons-nous de satisfaire notre curiosité enfantine; nous y trouverons peut-être un peu de courage et un peu d’amour. Les notes qui suivent doivent être lues en parallèle avec le texte de Saint Jean. Le Père ne peut être vu par personne; les habitants du Ciel eux mêmes n’osent que se prosterner devant lui. Le Fils se laisse apercevoir, quoique bien souvent sous un seul de ses innombrables aspects, ou de plus loin encore, sous une de ses images. L’Esprit enfin n’est perçu que par ses effets, tellement il est subtil.

Les Quatre Vivants sont ces anges insignes de qui les prolongements jusqu’à la matière ont formé les éléments des anciens: le Sphinx, les points cardinaux, les roues d’Ezéchiel, les racines des Évangélistes, tous les quaternaires. L’apôtre ne dit rien de leurs fonctions; elles sont très simples cependant; c’est parce qu’elles sont évidentes qu’on ne les voit pas. Les vingt-quatre vieillards sont les délimitateurs, ceux qui placent les bornes de la création dans les six directions de l’Étendue et les quatre formes de la Durée; les anciens ont établi leur zodiaque et toute leur astrologie et tous leurs systèmes graphiques ou hiéroglyphiques d’après l’ombre de ces Ministres. Quant aux nombres sept et douze, que l’on rencontre, multipliés ou divisés, à chaque page de l’Apocalypse, ils représentent des lois de la Vie, comme pour nos ingénieurs une équation représente tout une machine; nous n’avons pas à en connaître la raison. Le Christ considéré comme potentat est le Lion qui ouvre le livre du Père, sur lequel, seul, il a le droit d’écrire.

Il est l’Alpha parce que le premier crée, la première pensée, le premier projet du Créateur; après lui naissent les milliards de créatures; comme il doit les sauver, il lui faut attendre qu’elles soient toutes venues à l’existence, pour naître à son tour; comme sa rédemption est universelle, il lui faut parcourir les mondes sans arrêt. Sa stature de Rédempteur ne sera parfaite qu’à la fin des temps; il sera ainsi l’Oméga, il cessera d’être l’Agneau sacrifié pour redevenir le Lion triomphant.

Le livre aux sept sceaux est celui du Jugement où sont inscrits les noms et les actes de tous les êtres; chaque monde a le sien; seul, le Fils peut l’ouvrir, car seul il est la victime innocente, et seul, il ouvre aux êtres le vrai chemin et la force. Contrairement à l’opinion des trois ou quatre cents docteurs qui l’ont commentée, l’Apocalypse ne décrit pas le seul Jugement dernier, mais bien toutes les formes possibles de jugements passés, présents ou futurs. Toute planète, en effet, visible ou invisible, naît, vit et meurt; avant de disparaître, soit en se dissolvant dans l’espace, soit en s’agrégeant à une autre planète, elle subit un jugement, c’est-à-dire que son Seigneur, après avoir examiné son travail, lui signifie une destination ultérieure.

En outre, l’existence d’une planète est soumise à une loi de série; chacune de ses périodes se termine par un jugement partiel; pour la Terre, chacune des années platoniques de son existence (24 à 26.000 ans) et chacune des quatre saisons platoniques (environ 6.000 ans) se terminent par des jugements partiels, particuliers à la race, à la flore, à la faune qui ont évolué principalement au cours de cette saison ou de cette année. Le déluge de Noé a eu lieu environ 4.000 ans avant J. C.; nous pouvons donc, conformément aux prophéties connues, nous croire proches d’un nouveau jugement.

Toutefois, souvenons-nous de l’Évangile. On discerne dans le récit de Saint Jean, quatre groupes de faits. Dans le premier, se trouvent l’ouverture des six sceaux, le sacre des 144.000 élus, les sept anges punisseurs, puis les deux témoins et l’action de grâces. Dans le second, figurent la femme vêtue du soleil, les deux Bêtes, l’idole, et un second cantique. Dans le troisième groupe se trouvent trois anges prophètes, deux anges exterminateurs, et le cantique des 144.000. Dans le quatrième, les sept coupes, les cataclysmes, la condamnation de Babylone, les noces de l’Agneau, la capture du Dragon. Enfin, le millénaire, le jugement des morts et la nouvelle Jérusalem semblent couronner ou clôturer la vie de la planète; car certains phénomènes se reproduisent à tous les jugements, tandis que certains autres restent particuliers à tel ou tel jugement: les chutes d’étoiles, les guerres, les épidémies paraissent être des phénomènes communs. Les deux témoins (ch. XI), le dragon, la bête de la mer et celle de la terre (ch. XII et XIII), paraissent être des phénomènes particuliers.

SÉDIR.

Les différentes facettes de la Vérité

Les différentes facettes de la Vérité … extrait de Révélations, entretiens spirituels sur le Maître Philippe de M. de St Martin.

Il me semble nettement que l’hôte de notre narrateur n’est autre que Jean Chapas, successeur de M. Philippe, préféré au point qu’il était surnommé affectueusement caporal par le Maître, et que ce dernier, lui demandera de lui succéder pour les séances. L’humilité, la bonté extrême du caporal l’avait fait remarquer très jeune par Nizier Philippe.

L’hôte :….N’oubliez pas que souvent, une parabole a plusieurs sens, on pourrait même dire toujours, car dans les Evangiles il y a de la nourriture, pour tout le monde, chacun l’y trouve selon sa compréhension.

Narrateur : Mais cependant, dis-je, il n’y a qu’une Vérité.

L’hôte : Oui, mais elle a plusieurs aspects, tout dépend du point de vue où se trouve celui qui la contemple. Tenez
– et il me conduisit vers la fenêtre,
-voyez-vous cette montagne en face de nous ? Elle doit avoir un millier de mètres d’altitude. Eh bien, regardez à peu près à la même altitude où nous sommes, voyez-vous ce petit village avec son église ?

Ce village, cette église sont en face de nous, pour les voir, nous n’avons qu’à regarder droit devant nous.

Cependant, imaginez que l’un de nous soit sur la montagne, ne devrait-il pas regarder vers le bas, pour voir le village en question ?

Et un observateur qui serait là-bas, dans la vallée, sur les bords de cette rivière que vous voyez d’ici, ne pourrait-il pas affirmer que pour voir ce même village, il faut regarder vers le haut ?

C’est pourtant le même village, la même église que tous trois, nous contemplerions, et chacun de nous pourrait affirmer que, pour les voir, il faut regarder d’une manière différente de ce que prétendent les deux autres.

Bien plus ! si un homme se trouvait derrière la montagne, il ne verrait rien du tout, ni village, ni église.

La vérité est que le village et l’église existent bien et sont visibles pour certains et pas pour d’autres ; ça, c’est la Vérité absolue, et ses différents aspects sont ceux visibles des points auxquels nous nous trouvons, ou pourrions nous trouver, nous ou d’autres ; ces différends aspects sont des vérités relatives, car elles dépendent du point de vue.

Ainsi donc la Vérité est une, bien qu’elle puisse avoir de multiples aspects, et il faut toujours bien se garder de prendre un des aspects pour la Vérité elle-même, pour la Vérité totale, entière.

Jean Chapas, M de St Martin, Philippe de Lyon

Sédir: les miracles du Christ

LES MIRACLES DU CHRIST

Les actes du Christ sont tellement grands et nous sommes si peu habitués à les voir dans leur entier, qu’il nous faudrait pour cela avoir des yeux partout et une intelligence universelle. Si nous nous habituons à réaliser ce que nous avons compris du Christ, notre intelligence se développera.

Comment le Christ procédait-Il ?

Il touche le malade, Il le regarde ou ne le regarde pas, Il le guérit à distance ou Il commande à la maladie. Et ici chacun des hommes qui regardent agir le Christ explique Ses guérisons par les notions qu’il croit posséder. Pour le magnétiseur, c’est du magnétisme; pour le spirite, c’est de la médiumnité; pour le magiste, c’est de la magie; pour le volontaire, c’est de la volonté; pour le philosophe, c’est de la légende; pour le disciple seul, c’est la réalité. Le Christ a employé ces procédés non parce qu’Il en avait besoin, mais Il est venu pour rédimer la nature tout entière, pour déposer les germes de Sa Lumière vivante dans toutes les sphères de la vie, de la sensibilité, du sentiment jusque dans ces atmosphères inconnues que notre science se glorifie et s’effraie de découvrir. Quand le Christ emploie le procédé du spirite ou du magnétiseur, c’est pour les purifier et pour rendre moins coupables ceux qui les emploieront après Lui.

Mais il y a dans les miracles du Christ quelque chose qui déconcerte le technicien ou l’adepte: c’est l’instantanéité de ces miracles. Prenez le magnétiseur le plus habile; entre sa main rayonnante et le malade il faut, pour que le fluide passe, du temps et des conditions. A l’adepte le plus élevé qui manie des forces inconnues dont les livres célèbrent l’immensité, il faut aussi du temps. Mais le Christ, Lui, à peine a-t-Il levé la main que le malade est guéri et non seulement ce malade, mais tous ses prolongements invisibles jusqu’au seuil du trône de Dieu, tous les êtres qui tiennent à lui par une fibre physique ou hyperphysique. Cela, c’est la preuve de la surnaturalité des miracles du Christ, c’est la preuve qu’Il est vraiment le Maître, c’est la preuve que la force qu’Il rayonne est vraiment absolue.

Et quand le Christ montre Son pouvoir sur la nature, quand Il calme la tempête, quand Il marche sur la mer, cela a lieu soudain, car ces actes extérieurs ne sont que le prolongement, que l’efflorescence spontanée de Sa vie intérieure. Regardons-nous: chaque fois que nous avons une émotion, l’émotion tend à se manifester au dehors. Et c’est le travail des hommes les plus forts que de tendre à conserver toujours un visage impassible. Cela a lieu pour l’homme, créature infime.

Mais imaginez un être qui soit toute vie, toute vigueur, toute force comme le Christ; vous comprendrez que Sa véritable vie c’est en dedans, c’est Sa vie inconnue et que l’acte qu’Il opère au dehors ne peut pas ne pas avoir lieu, qu’Il exhale le miracle comme le lys exhale son parfum. Le véritable travail du Christ, c’est celui que personne n’a pu voir parce qu’il s’effectuait dans cette caverne mystérieuse où l’homme et le Dieu en Jésus s’unissaient dans l’unité la plus complète et la plus incompréhensible. Autour de nous, les hommes qui ont conduit une enquête sur les forces inconnues de la nature et qui essaient d’en faire profiter les autres ont tous un procédé identique: quand ils voient un malade, ils imaginent une force ou une eau et ensuite ils essaient de verser cette force ou cette eau qu’ils ont créée sur le malade ou sur l’affligé. C’est artificiel.

Regardez le Christ. Il est sur le bord du lac où il y a la tempête. Il voit ses amis désespérés; Son coeur va vers eux et Son corps est emporté par le mouvement de Son coeur. Ceci n’est qu’un côté de l’action du Christ. Son coeur emporte Son corps sur la mer et le rend léger pour aller au secours de Ses amis. Mais ce désarroi chez les apôtres, ce secours qu’Il leur porte, ce sont le prolongement sur la terre d’un drame que le Christ peut-être a vécu peu de temps auparavant dans les espaces irrévélés.

Il y a un monde où la pesanteur, plus spirituelle qu’ici, varie avec l’état psychique des habitants et si le Christ a fait une incursion dans ce monde, Il en a rapporté quelque chose et, en marchant sur la mer, Il a mis sur la terre un peu de la légèreté de cette planète inconnue. Quand Il a multiplié des pains, ne croyez pas qu’Il a tiré des plans ou qu’Il ait exercé sa volonté sur le canevas astral du froment, mais c’est parce qu’Il avait mis quelque chose dans l’essence du froment. Quand Il a séché le figuier ou quand Il a ressuscité des morts, c’est l’efflorescence des luttes qu’Il avait soutenues dans un monde invisible.

Quand le Christ se transfigure, Il n’a pas décrété cela d’avance; Il est monté sur cette montagne parce que Son esprit d’abord avait gravi les montagnes de l’Invisible et Il s’est transfiguré parce que Son corps avait apporté un reflet de cette gloire. Là Moïse et Elie sont venus parce qu’ils étaient les témoins obligés de cette glorification. Et quand le Christ est apparu après Sa mort à Ses disciples, Il n’a pas fait de télépathie; c’est parce qu’Il avait quelque chose à leur dire. Quand Il est monté au Ciel dans son corps, Il ne l’a pas fait comme un yogi qui fait de la lévitation; Il est monté parce que le Père l’appelait, parce qu’Il avait toujours obéi à Sa volonté.

Si nous voulons voir le Christ, sentir Sa présence vivante, il faut que nous le disions, non seulement avec notre bouche, ni même avec l’élan de notre coeur, mais il faut que nous montrions le désir par nos actes. Alors le Christ viendra vers nous.

Ainsi, ce n’est que quand Il a obtenu la permission du Père, Lui, le seul être qui pouvait s’en passer, qu’Il agit; mais aussi avec quelle invincible force, avec une force qui ne connaît aucun obstacle. Il est et Il remplit aussitôt tout l’univers.

Les savants ont vu qu’aucun être ne fait un geste dont l’effet ne se transmette jusqu’aux limites du monde. Cela est vrai plus encore pour le Christ. Vous comprenez que le moindre geste du Christ est encore là, aussi présent que si le Christ venait de l’accomplir, et vous apercevez quelle est la force qu’Il a employée pour semer la vie autour de Lui; vous apercevez pourquoi Il est invincible, victorieux, pourquoi si misérable en apparence, parce qu’Il est Amour, Il guérit parce qu’Il efface la cause du mal. Elle est dans le centre et c’est dans ce centre qu’Il agit. Là Il est et c’est pourquoi Il demande à Ses malades d’avoir au préalable la foi.

Nous voyons que la qualité des miracles du Christ c’est qu’ils sont soudains, c’est qu’ils ne sont pas systématiques, c’est qu’ils sont les aboutissants d’un plan logique.

Ces êtres sont en présence: Lui et un quelconque; et un miracle surgit. Si nous regardons avec simplicité la vie du Christ nous nous émerveillerons devant cette aisance, devant cette grâce dans le merveilleux.

La force d’un travail est dans ce qu’on ne voit pas: ce sont les racines qui font l’arbre fort. Chez tout être il en est ainsi. Quand nous pouvons nous abstraire des soucis quotidiens pour penser au Christ, il est bon alors que nous nous imaginions les soirs, après Son frugal souper, le Christ remontant les pentes de la montagne pour passer solitaire dans Ses réels travaux.

Imaginons ces nuits d’Orient avec les étoiles qui scintillaient plus encore pour reverser leur clarté dans Ses yeux qui la leur avaient donnée. Imaginons le Christ dans ces brises parmi les souffles de la mer faisant comparaître tous les êtres, toutes les créatures auxquels Il voulait donner quelque chose. C’est dans ces colloques silencieux que se sont déroulées les vraies Passions du Christ. Nous ne connaissons pas la vraie Passion du Christ: ce furent toutes ces nuits où toutes les désolations de la Nature, où tous les crimes des hommes, des démons, des créatures pesaient sur Lui et déchiraient Son coeur, tandis qu’Il s’offrait sans cesse à tous les assassins et à tous les empoisonneurs.

Et quand le matin Il redescendit vers les hommes, emportant à travers l’aurore qui se levait les clartés ineffables des aurores éternelles, vous comprenez que le malade qui se présentait, c’était la conclusion naturelle du travail de la nuit. Voilà quel est le mode d’engendrement du miracle vrai.

Dans la vie du Christ tout est coordonné; dans la vie de l’homme tout est dispersé. Notre travail consiste à recréer cette unité. Pour cela, il faut être un avec Dieu; pour cela, il faut adorer un seul Dieu, c’est-à-dire adorer Dieu en soi. Ceux-là seuls adorent un seul Dieu dont toutes les pensées, toutes les aspirations, tous les gestes vont vers Dieu. Les autres sont des idolâtres.

Si nous comprenons la nécessité de cette unité organique, nous voyons que ce lépreux que le Christ guérit, c’est celui-là pour lequel il est le plus indispensable d’être guéri. Tout ce sur quoi le Christ agit, ce sont les représentants terrestres d’une entité invisible universelle et, en agissant sur l’un, Il agissait sur l’autre. Quand nous aurons recréé en nous l’unité, nous agirons de plus en plus loin. Et quand nous aurons achevé notre course, vous verrez avec quelle ardeur nous nous prosternerons pour baiser les traces de Ses pas dans la poussière cosmique.

Pour cela, il faut que nous soyons arrosés par des pluies fécondatrices. Mais pour nous, comme pour la terre, il y a des cultivateurs faux. Vous vous rappelez la parole du Christ: Toute plante que mon Père n’a pas plantée sera déracinée. Il faut confier tous les germes qui sont en nous au vrai jardinier qui attend que nous lui ouvrions la barrière de notre jardin pour y entrer.

SÉDIR

Sédir: le chemin du miracle, la voie, par quel miracle

LE CHEMIN DU MIRACLE

Si quelqu’un veut s’engager sur le chemin du miracle, il faut qu’il se recueille. Plus le but est haut, plus il est grave d’y aller. Les bras de milliers d’êtres se tendent vers celui qui veut tenter de telles réalisations et s’ils se baissent, découragés, c’est une catastrophe. Il faut avoir la foi. La foi de l’initié, c’est une force qui agit dans son propre sens.

La foi que le Christ demande, c’est une absurdité divine, c’est une force qui cherche à se tuer elle-même et qui, à la faveur de ce suicide, se recrée elle-même sans cesse. La volonté c’est une force de la Nature et, avec la volonté, nous n’atteindrons jamais fussions-nous grands comme Bouddha que la nature. Pour atteindre la sur-nature, il faut transmuer la volonté en foi. C’est pourquoi le Christ a dit: Tout ce que vous demanderez en mon nom vous sera accordé.

Il y a une méthode pour arriver à cette transmutation intérieure. Celui qui l’a le mieux décrite, c’est saint Jean de la Croix. Il dit: je voudrais que ces préceptes se burinent dans vos coeurs; – pour posséder tout, veuillez ne posséder rien; pour atteindre ce que vous ne possédez pas, traversez tout ce que vous possédez, ou désirez posséder. Et il envoie ensuite ses lecteurs à ce qui coûte le plus, au désir de ne rien vouloir, de rechercher le pire, de rechercher la pauvreté absolue d’Esprit.

Telle est la montée du Carmel mystique. Et le Christ indique toujours la foi comme condition à l’accomplissement du miracle, non pas parce que si le malade n’avait pas cru Il n’aurait pas pu le guérir, mais parce qu’alors Il aurait blessé l’âme de cet incrédule.

Vous voyez combien le miracle déroge, suivant l’excellente définition du catéchisme, aux lois de la Nature, combien Surnaturel est le possible de la seule foi.

Quel est maintenant le moyen du miracle?

C’est la prière, la prière soutenue par la pratique de la charité. C’est proprement l’intercession d’un pécheur pour un autre pécheur; mais le second est un pécheur qui se croit un saint, tandis que le premier est un pécheur qui se sait un pécheur. Celui qui intercède ainsi n’a pas toute la foi (personne n’a toute la foi), Mais ce qu’il a suffit à transmuer sa prière. Notre prière est terrestre, craintive, timorée, ignorante; la prière de l’intercession est autorisée, victorieuse par avance, elle se lève en vertu d’une promesse antérieure, elle devient une fonction.

Si vous sentez en vous quelle grande chose c’est que cette prière, précipitez-vous y, jetez-vous dans les abîmes, élevez-vous dans les hauteurs, perdez-vous en Dieu. Pour la charité il faut du discernement; pour la prière il n’en faut pas. Priez pour ceux qui vous le demandent, priez pour ceux qui ne vous le demandent pas, priez pour ceux qui vous ignorent, réalisez pour eux la parole du Maître: forcez-les d’entrer.

Et, pour prier mieux, exercez-vous à la compassion; dépouillez votre piété de personnalisme. Plaignez le malheureux pour lui-même et non pour ce en quoi sa souffrance le fait souffrir.

Si vous n’avez pas ce coup de fouet de la compassion, votre prière restera stérile. Si le temps vous manque, ne priez qu’une minute par jour, mais occupez les 23 h 59 mn qui restent à préparer votre prière, car c’est une chose terrible que de se faire obéir par Dieu et à cette obéissance Dieu se soumet pour ceux dont le coeur est pur et qui ignorent leur pureté de coeur.

Un thaumaturge vrai s’égale à zéro; un thaumaturge faux s’égale à ces grandeurs qui sont inférieures à zéro. C’est pourquoi l’Église a été prudente pour les procès de canonisation dans les considérations des miracles; elle s’occupe d’abord de savoir si le candidat a eu des vertus héroïques, le reste est pour elle secondaire.

Si ces horizons entr’aperçus vous donnent le désir de les atteindre un jour, rappelez-vous que vous y atteindrez le jour où vous serez persuadés que vous êtes à jamais indignes d’y atteindre.

Dieu regardant ce monde Se choisit des confidents. Il leur montre les êtres, les canaux par où passent les forces par lesquelles les êtres se développent. Et ce confident de Dieu qu’à cause de son humilité Dieu admet dans Ses conseils s’étonne de voir l’injustice régner sur la terre, l’injustice de l’Amour, il s’étonne de voir que les souffrances, les catastrophes qui font gémir les hommes, n’équivalent pas à la centième partie de ce qu’ils auraient à souffrir. Et il adore Dieu et il se prosterne, et son désir suprême est de devenir un de Ses ministres, et c’est pour cela que le Père fait ensuite de lui un de Ses soldats.

Ces soldats de la Lumière ne connaissent pas les plans de leur général qui est le Christ; ils ont à chaque minute à se décider, à parer à l’imprévu, à montrer qu’ils ne se soutiennent que par la bonté de Dieu. Et c’est à cause de ce vide où ils vivent que rien ne leur fait peur. Pour eux est la promesse: Ceux qui ont quitté pour moi un père, une mère, des pères, des soeurs, des maisons, des terres en recevront le centuple dans le siècle présent avec des persécutions.

Mais ce qui est étonnant, c’est la reddition de ces comptes dans le siècle présent. En effet, le soldat qui a le sentiment de la présence permanente de son Maître, il a les joies des rencontres imprévues avec ses frères d’armes, de l’aide des anges que le Ciel envoie vers lui; il a une paix profonde, car il sait qu’il habite une demeure de la maison du Père, il a la certitude, l’avenir, car il sait que le soleil éternel fait mûrir ses moissons.

Ainsi, à l’inverse du juste ordinaire qui sait qu’il est un homme de Dieu et qui reçoit sa récompense immédiatement, lui refuse ses récompenses, il les déverse sur les autres et il passe dans tous les mondes par des agonies et des morts successives jusqu’à ce que se lève l’aurore éternelle, jusqu’à ce que, devenu libre par le baptême de l’Esprit, il soit appelé frère du Christ.

Là seulement commence le domaine du miracle. Le reste, ce ne sont que les paysages de plus en plus enchanteurs que nous avons à parcourir avant d’arriver au pays de la Lumière. Je serais heureux si j’avais pu vous donner la nostalgie de ces hauteurs.

SÉDIR

Sedir le miracle, les miracles du Christ, miracles des soldats de lumière

Le miracle est défini d’ordinaire par un fait qui déroute les lois naturelles.

Mais tous les faits considérés profondément sont des exceptions. Nous regardons en général les phénomènes de la vie en gros; nous voyons les choses qui se passent et, comme elles se ressemblent, la fréquence avec laquelle nous les voyons, nous les rend semblables et nous les classons dans la même catégorie.

Le miracle est un fait ordinaire, mais plusieurs éléments s’y remarquent que nous n’avons pas l’habitude de voir; c’est ce qui fait que nous nous récrions. En réalité c’est la vie commune qui est miraculeuse. Si vous regardiez un piéton traverser le boulevard, vous seriez stupéfait du nombre de forces qui interviennent pour qu’il puisse traverser sain et sauf. Les faits les plus ordinaires de notre vie sont tissés de centaines de fils et si un seul se rompt, c’est une catastrophe qui se produit. Si nous regardions ainsi notre vie, nous la passerions en adoration devant la bonté du Père.

Il y aurait beaucoup à dire sur les différences entre les miracles. Nous ne parlerons que de deux pour ne pas nous perdre dans des études que nous pouvons faire dans les livres. Nous distinguerons deux classes dans les miracles: les prodiges et les miracles proprement dits.

En l’homme il y a deux sphères: le relatif et l’absolu, il y a la durée et il y a une semence d’incréé. Dans la nature aussi il y a deux sphères: la nature elle-même, le créé, tout ce que le Père a organisé par Sa parole depuis la création et, en plus, il y a dans le non-moi quelque chose de la Lumière divine que le Christ a laissée dans toutes les atmosphères, dans tous les mondes comme le témoignage de Son passage, Et ces deux sphères dans l’homme et dans la nature se correspondent. Le relatif en nous perçoit, converse, manipule le relatif hors de nous; l’incréé en nous entretient des relations avec l’incréé hors de nous. Quand ce relatif en nous, nos facultés, nos habiletés manuelles, s’élevant au-dessus du commun niveau, arrivent à saisir du relatif hors de nous, c’est du prodige, tout ce que les Anciens ont enseigné dans les mystères, ce que les traditions hermétiques ont proposé de siècle en siècle à l’admiration et aussi à la cupidité de l’intelligence humaine.

Et puis il y a le miracle, c’est-à-dire ce quelque chose qui est l’expression vivante de la conversation imperceptible pour nous que le Verbe toujours présent hors de nous a avec la semence de lumière qu’Il a déposée dans nos coeurs. Lorsque cette conversation devient vivante, vivifiée par l’aliment de nos sacrifices, cette conversation de purement intérieure devient extérieure et l’homme dont le coeur en est le théâtre devient un théurge, c’est-à-dire un homme qui agit avec Dieu (nous n’entendons pas ce mot dans le sens des Anciens qui appelaient ainsi des hommes qui agissaient avec les dieux).

Nous ne parlerons que de ces miracles.

Parmi les sphères des relations entre l’Absolu et le coeur de l’homme, dans l’une ont lieu des phénomènes mystérieux: extases, stigmates, transfigurations du corps et tous les faits de la vie mystique intérieure; et dans l’autre se produisent les faits de la vie mystique extériorisée: guérisons, régence des phénomènes matériels. C’est de cette dernière classe seule que nous parlerons.

Voyons tout d’abord dans quelles conditions se produit un tel miracle.

Le miracle n’a pas de condition.

Pour nous, observateurs, nous voyons le miracle se produire quand tout le possible a échoué; c’est-à-dire la réalisation de l’impossible. Mais ce n’est pas encore une condition du miracle car nous ne sommes pas de bons juges de toutes les possibilités de la nature. Il n’y a pas de condition au miracle car il est l’intervention directe et immédiate du Ciel sur la terre. Il est libre; il est comme l’Esprit qui souffle où il veut et dont personne ne sait ni d’où il vient ni où il va. C’est le témoignage de la permanence du Verbe au milieu de nous.

Comment distinguer entre les prodiges et les miracles ? Pour cette distinction il faut avoir en soi le sens du divin. Voyez dans l’art; le littérateur, le peintre, le musicien qui ont à juger une oeuvre d’art. Quelque chose en eux leur dit: C’est beau, ou c’est médiocre. Avant même qu’ils aient pu formuler une conclusion logique. C’est le sens du beau qui leur fait dire cela. De même l’homme a en lui Dieu en germe. Quand ce germe ce réveille, c’est la naissance du Verbe en nous. Pour distinguer le divin, il faut que ce germe soit éveillé en nous, C’est le seul critère dont nous disposions. Villiers de l’Isle Adam a dit: Personne ne connaît que ce qu’il reconnaît ª. Si nous n’avons pas le sens du divin en nous, nous ne pouvons pas reconnaître le divin hors de nous.

Chacun de nous habite un coin de l’univers invisible et selon l’habitat de notre esprit, notre intelligence fonctionne en conséquence. Celui dont l’esprit habite le pays des ombres voit partout des esprits: celui dont l’esprit habite le pays des fluides voit partout du magnétisme; celui dont l’esprit habite le pays de la logique voit partout le jeu des forces naturelles; celui dont l’esprit est sorti de soi-même et habite les régions où habite le Verbe, celui-là découvre toujours le divin qui se cache en tout être et il n’y a plus pour lui un miracle par-ci par-là; la vie tout entière est pour lui un miracle, même le plus petit sourire, même la plus imperceptible larme.

La valeur du miracle est donc intrinsèque. A Dieu il est aussi facile de renverser l’Himalaya que de guérir une écorchure. Le miracle vaut par lui-même, indépendamment de celui qui en est l’objet et indépendamment de celui qui l’accomplit. Tous vous avez eu au moins une fois une prière exaucée. Eh bien, une prière exaucée, c’est toujours un miracle qui se produit sous une forme familière, car Dieu aime à se cacher. Quand Dieu s’occupe essentiellement, profondément de nous, Il dissimule Son action et Se fait à notre taille pour que nous l’acceptions et que devant Lui nous tremblions, non de crainte, mais de tendresse.

Quand une prière a été exaucée pour vous, j’aime à croire que vous n’avez pas cru qu’elle l’était à cause de vos mérites. Souvenez-vous de la parabole des ouvriers de la 11e heure et entrez dans la voie au bout de laquelle s’ouvre la Cité des miracles; souvenez-vous que le Christ dira un jour à ceux qui protesteront qu’ils ont guéri en Son nom et prophétisé en Son nom: Retirez-vous de moi, je ne vous connais pas. Cette chose dure leur sera dite car ils n’auront pas été humbles, ils ne se seront pas crus des ouvriers de la 11e heure.

La valeur du miracle s’emprunte au canal infime par lequel passe ce fleuve de la vie éternelle. Et ici s’affirme la grandeur de l’homme qui peut faire qu’une chose soit du néant ou au contraire qu’elle surpasse l’univers.

N’ayez pas le désir du miracle; ce serait tenter Dieu et tenter Dieu, c’est attirer invinciblement des tentations auxquelles on succombe invinciblement.

Nous pourrions essayer d’étudier les procédés des anciens thaumaturges, de ceux qu’on appelle des mages ou des adeptes, grâce auxquels s’est perpétuée un peu de la Lumière originelle mise par le Père dans la création. Mais nous ne faisons pas d’occultisme. Je ne mentionne ces choses que parce qu’elles existent et que leurs lueurs, pour fausses, pour vaines qu’elles soient, vous ont peut-être séduits et qu’elles en séduiront d’autres. Mais si vous goûtez un jour de la vraie Lumière, vous aurez le devoir d’éclairer ceux qui s’abreuvent à ces sources falsifiées.

SÉDIR