Sedir le miracle, les miracles du Christ, miracles des soldats de lumière

Le miracle est défini d’ordinaire par un fait qui déroute les lois naturelles.

Mais tous les faits considérés profondément sont des exceptions. Nous regardons en général les phénomènes de la vie en gros; nous voyons les choses qui se passent et, comme elles se ressemblent, la fréquence avec laquelle nous les voyons, nous les rend semblables et nous les classons dans la même catégorie.

Le miracle est un fait ordinaire, mais plusieurs éléments s’y remarquent que nous n’avons pas l’habitude de voir; c’est ce qui fait que nous nous récrions. En réalité c’est la vie commune qui est miraculeuse. Si vous regardiez un piéton traverser le boulevard, vous seriez stupéfait du nombre de forces qui interviennent pour qu’il puisse traverser sain et sauf. Les faits les plus ordinaires de notre vie sont tissés de centaines de fils et si un seul se rompt, c’est une catastrophe qui se produit. Si nous regardions ainsi notre vie, nous la passerions en adoration devant la bonté du Père.

Il y aurait beaucoup à dire sur les différences entre les miracles. Nous ne parlerons que de deux pour ne pas nous perdre dans des études que nous pouvons faire dans les livres. Nous distinguerons deux classes dans les miracles: les prodiges et les miracles proprement dits.

En l’homme il y a deux sphères: le relatif et l’absolu, il y a la durée et il y a une semence d’incréé. Dans la nature aussi il y a deux sphères: la nature elle-même, le créé, tout ce que le Père a organisé par Sa parole depuis la création et, en plus, il y a dans le non-moi quelque chose de la Lumière divine que le Christ a laissée dans toutes les atmosphères, dans tous les mondes comme le témoignage de Son passage, Et ces deux sphères dans l’homme et dans la nature se correspondent. Le relatif en nous perçoit, converse, manipule le relatif hors de nous; l’incréé en nous entretient des relations avec l’incréé hors de nous. Quand ce relatif en nous, nos facultés, nos habiletés manuelles, s’élevant au-dessus du commun niveau, arrivent à saisir du relatif hors de nous, c’est du prodige, tout ce que les Anciens ont enseigné dans les mystères, ce que les traditions hermétiques ont proposé de siècle en siècle à l’admiration et aussi à la cupidité de l’intelligence humaine.

Et puis il y a le miracle, c’est-à-dire ce quelque chose qui est l’expression vivante de la conversation imperceptible pour nous que le Verbe toujours présent hors de nous a avec la semence de lumière qu’Il a déposée dans nos coeurs. Lorsque cette conversation devient vivante, vivifiée par l’aliment de nos sacrifices, cette conversation de purement intérieure devient extérieure et l’homme dont le coeur en est le théâtre devient un théurge, c’est-à-dire un homme qui agit avec Dieu (nous n’entendons pas ce mot dans le sens des Anciens qui appelaient ainsi des hommes qui agissaient avec les dieux).

Nous ne parlerons que de ces miracles.

Parmi les sphères des relations entre l’Absolu et le coeur de l’homme, dans l’une ont lieu des phénomènes mystérieux: extases, stigmates, transfigurations du corps et tous les faits de la vie mystique intérieure; et dans l’autre se produisent les faits de la vie mystique extériorisée: guérisons, régence des phénomènes matériels. C’est de cette dernière classe seule que nous parlerons.

Voyons tout d’abord dans quelles conditions se produit un tel miracle.

Le miracle n’a pas de condition.

Pour nous, observateurs, nous voyons le miracle se produire quand tout le possible a échoué; c’est-à-dire la réalisation de l’impossible. Mais ce n’est pas encore une condition du miracle car nous ne sommes pas de bons juges de toutes les possibilités de la nature. Il n’y a pas de condition au miracle car il est l’intervention directe et immédiate du Ciel sur la terre. Il est libre; il est comme l’Esprit qui souffle où il veut et dont personne ne sait ni d’où il vient ni où il va. C’est le témoignage de la permanence du Verbe au milieu de nous.

Comment distinguer entre les prodiges et les miracles ? Pour cette distinction il faut avoir en soi le sens du divin. Voyez dans l’art; le littérateur, le peintre, le musicien qui ont à juger une oeuvre d’art. Quelque chose en eux leur dit: C’est beau, ou c’est médiocre. Avant même qu’ils aient pu formuler une conclusion logique. C’est le sens du beau qui leur fait dire cela. De même l’homme a en lui Dieu en germe. Quand ce germe ce réveille, c’est la naissance du Verbe en nous. Pour distinguer le divin, il faut que ce germe soit éveillé en nous, C’est le seul critère dont nous disposions. Villiers de l’Isle Adam a dit: Personne ne connaît que ce qu’il reconnaît ª. Si nous n’avons pas le sens du divin en nous, nous ne pouvons pas reconnaître le divin hors de nous.

Chacun de nous habite un coin de l’univers invisible et selon l’habitat de notre esprit, notre intelligence fonctionne en conséquence. Celui dont l’esprit habite le pays des ombres voit partout des esprits: celui dont l’esprit habite le pays des fluides voit partout du magnétisme; celui dont l’esprit habite le pays de la logique voit partout le jeu des forces naturelles; celui dont l’esprit est sorti de soi-même et habite les régions où habite le Verbe, celui-là découvre toujours le divin qui se cache en tout être et il n’y a plus pour lui un miracle par-ci par-là; la vie tout entière est pour lui un miracle, même le plus petit sourire, même la plus imperceptible larme.

La valeur du miracle est donc intrinsèque. A Dieu il est aussi facile de renverser l’Himalaya que de guérir une écorchure. Le miracle vaut par lui-même, indépendamment de celui qui en est l’objet et indépendamment de celui qui l’accomplit. Tous vous avez eu au moins une fois une prière exaucée. Eh bien, une prière exaucée, c’est toujours un miracle qui se produit sous une forme familière, car Dieu aime à se cacher. Quand Dieu s’occupe essentiellement, profondément de nous, Il dissimule Son action et Se fait à notre taille pour que nous l’acceptions et que devant Lui nous tremblions, non de crainte, mais de tendresse.

Quand une prière a été exaucée pour vous, j’aime à croire que vous n’avez pas cru qu’elle l’était à cause de vos mérites. Souvenez-vous de la parabole des ouvriers de la 11e heure et entrez dans la voie au bout de laquelle s’ouvre la Cité des miracles; souvenez-vous que le Christ dira un jour à ceux qui protesteront qu’ils ont guéri en Son nom et prophétisé en Son nom: Retirez-vous de moi, je ne vous connais pas. Cette chose dure leur sera dite car ils n’auront pas été humbles, ils ne se seront pas crus des ouvriers de la 11e heure.

La valeur du miracle s’emprunte au canal infime par lequel passe ce fleuve de la vie éternelle. Et ici s’affirme la grandeur de l’homme qui peut faire qu’une chose soit du néant ou au contraire qu’elle surpasse l’univers.

N’ayez pas le désir du miracle; ce serait tenter Dieu et tenter Dieu, c’est attirer invinciblement des tentations auxquelles on succombe invinciblement.

Nous pourrions essayer d’étudier les procédés des anciens thaumaturges, de ceux qu’on appelle des mages ou des adeptes, grâce auxquels s’est perpétuée un peu de la Lumière originelle mise par le Père dans la création. Mais nous ne faisons pas d’occultisme. Je ne mentionne ces choses que parce qu’elles existent et que leurs lueurs, pour fausses, pour vaines qu’elles soient, vous ont peut-être séduits et qu’elles en séduiront d’autres. Mais si vous goûtez un jour de la vraie Lumière, vous aurez le devoir d’éclairer ceux qui s’abreuvent à ces sources falsifiées.

SÉDIR