Texte de Pteros: le juste milieu

Texte de Pteros: le juste milieu LE   JUSTE  MILIEU….

En cet après midi d’été, le jeune homme était allongé sous un arbre dont l’épais feuillage encore vert et ondoyant, le protégeait des rayons intenses d’un soleil généreux et persistant.

A quelques mètres de lui, le fleuve serpentait langoureusement dans la plaine, et il pouvait entendre les conversations des passagers du bateau qui avançait lentement, sur l’eau calme et reposante.

« Si la corde est trop tendue elle rompt, et si elle n’est pas assez tendue, elle ne résonne pas… Tu dois trouver la bonne tension … » Ainsi parlait le professeur de violon à son élève installé sur le pont du bateau, et cette phrase à l’apparence anodine, éveilla chez le jeune homme qui semblait endormi, une série de réflexions qui le tirèrent de sa torpeur.

Il jeûnait depuis plusieurs jours pour purifier son corps, ainsi que son esprit, et sa faiblesse allait en augmentant, de telle sorte qu’il sentait bien qu’il ne pourrait bientôt plus se lever sans aide… Avait-il assez jeûné ?… Avait-il trop jeûné ?… Etait-il indispensable de jeûner pour se purifier ?…

Ses questions se bousculaient dans sa tête … Le juste milieu, toujours trouver le juste milieu … Son corps avait souffert de ce jeûne qu’il s’était volontairement imposé, et maintenant il se demandait s’il avait eu raison de le pratiquer pendant aussi longtemps.

Dieu lui avait offert la vie, il lui avait pour cela, donné un corps qui devait lui permettre de franchir toutes les étapes de cette vie, pour peu qu’il en prenne bien soin, et le jeûne qu’il s’était infligé commençait à perturber sérieusement son organisme.

Cette simple phrase qui pourtant ne lui était pas adressée, le tira de la torpeur qui peu à peu envahissait son esprit : elle était arrivée à point nommé, elle était exactement la réponse à la question qu’il se posait. Il décida immédiatement de mettre fin à ce jeûne, et de restaurer correctement ce corps qu’il avait volontairement fait souffrir.

Il avait jusqu’à présent observé la vie de ses proches, il avait longuement médité sur leur comportement, sur leur façon d’évoluer, de penser et d’agir, il avait beaucoup réfléchi, et il était encore en pleine réflexion quand cette phrase anodine vint percuter son esprit, et ouvrir le  chemin de l’éveil de Siddharta Gautama, cet éveil qui allait l’amener à devenir bientôt, le Bouddha que chacun connaît aujourd’hui.

Nous devons respecter notre corps car c’est un don de Dieu, et si nous voulons honorer ce Dieu qui nous a fait cet inestimable présent, nous ne devons pas nous dévaloriser, nous devons toujours maintenir un certain équilibre entre notre mental et notre physique, les deux étant étroitement liés.

Les pénitents qui parcourent pieds nus des kilomètres, en se flagellant jusqu’au sang, iront-ils au paradis ?… Suffirait-il de torturer son propre corps pour obtenir la permission de monter au ciel ?… Pourquoi ces gens en paraissent ils si convaincus ?… Comment cette idée a-t-elle pu germer en eux ?… Qui leur a donc inculqué une telle certitude ?… Cette volonté et ce courage ne pourraient ils être utilisés pour une autre tâche ?…

Le Christ était cloué sur la croix, et autour de lui la foule s’agitait, certains le conspuaient, d’autres pleuraient, et ses bourreaux le regardaient souffrir. Il tourna alors son regard vers le ciel, et dit : «  Père Pardonnez leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font… »  En cet instant de douleur et de peine, il  demanda à son Père de pardonner à ses bourreaux qui l’avaient torturé, à cette foule qui l’avait conspué, et à ses juges qui l’avaient condamné.

Cette grandeur d’âme, cet esprit dénué de rancune et de haine, confirment s’il en était besoin, le caractère particulier de cet Homme, qui a sans crainte affronté la mort, pour que vivent ses convictions.

Il savait qu’en chacun de nous siège une parcelle de ce Père auquel il s’adressait, il savait que cette étincelle divine, souffrait en silence de voir le mal que ces gens s’infligeaient inconsciemment : leurs âmes impuissantes en souffraient, car elles savaient que c’était le fils de Dieu  qu’ils châtiaient ainsi, elles savaient aussi qu’en le tuant, ils tuaient également le Père qui était en lui, et en eux.

Cette âme divine qui nous habite, et qui souffre parfois des fautes que nous commettons, sans pouvoir nous dire que nous sommes dans l’erreur, car son langage est trop souvent incompris par notre esprit fougueux.

Et dans sa grande clémence, dans l’amour immense qu’il avait montré pour son prochain durant toute sa vie, il pardonnait lui aussi à tous ces gens qui le tuaient, qu’il avait aimés et qu’il continuait d’aimer malgré tout.

Le juste milieu constitue la véritable règle de conduite à tenir pour mener à bien une existence exemplaire,  pour toujours rester dans la lumière de l’enseignement, de la sagesse et de l’amour, sans tomber pour autant dans le fanatisme ou la démagogie ou le prêchi prêcha… Ni trop, ni trop peu…

La prière, la charité,  le pardon, sont des vertus que nous devons apprendre, comprendre,  appliquer, et développer tout au long de notre existence, afin de parvenir à cet équilibre qu’on appelle la sagesse. Et puis quand nous baignerons enfin dans cette sagesse, il se peut, il se pourrait, que nous nous apercevions  alors, que l’amour suffit à tout mais… Dieu, que le chemin est long…

La Charité

Les mendiants ont beaucoup inspiré Victor Hugo qui en parle dans «  Les Contemplations, « et qui leur fait dire «  la charité s’il vous plaît.. » dans «  Notre Dame de Paris. »

Il développa dans «  les mendiants «  la thèse de l’homme plus près de Dieu parce qu’il n’a  aucune autre ressource que la prière, qu’il ne crie pas à l’injustice, et que cette prière le rapproche de Dieu.

Et c’est tout le contraire qu’il nous montre dans Notre Dame de Paris, décrivant des faux mendiants, incroyants, tricheurs et voleurs, attirant la pitié des passants, uniquement par leur aspect misérable.

C’est peut être pour cette raison que nous avons tendance à assimiler la charité à la mendicité ou plus précisément à l’aumône, alors qu’en réalité il ne s’agit là que de la partie visible : faire l’aumône, ou donner quelques pièces à la messe, est censé donner bonne conscience au paroissien qui, une fois son obole versée, va se considérer absout de tout péché…

La charité c’est la vertu principalement développée par Saint Paul, et dont parle également l’apôtre Jean.

Le dictionnaire donne deux significations à ce mot : « vertu qui porte à vouloir et à faire du bien aux autres «  et : « Amour de Dieu et du prochain «.  Au sens propre, il signifie : grâce et joie.

«  Si la charité vient à manquer, à quoi sert tout le reste ?… » Dit Saint Augustin. Ce mot  qui englobe à la fois l’amour, l’amitié, la pitié, ne peut se concevoir que par l’entremise de Dieu, il passe inévitablement par Lui : avoir la charité, c’est  aimer à travers Dieu, c’est pourquoi Saint Paul nous explique qu’il pourrait avoir tous les dons, toutes les vertus de la terre, s’il ne possède pas la charité, c’est-à-dire la possibilité d’appliquer avec l’amour de Dieu, il ne possèdera rien.

Pour être charitable envers les autres, il faut commencer par s’accepter comme on est, par être indulgent et ne pas se dévaloriser, ne pas oublier qu’il y a bien en nous une parcelle de Dieu, et que ce serait lui faire offense que de la rejeter. « Charité bien ordonnée commence par soi-même … » je ne sais pas de qui est ce proverbe, mais il confirme bien que pour donner la charité, il faut d’abord l’avoir.

Etre charitable, c’est faire preuve de beaucoup d’amour pour son prochain, c’est être capable d’aimer non par soi-même, ce qui peut paraître facile, mais  avec la foi du Père qui est aux cieux, c’est-à-dire sans aucune discrimination, ni arrière pensée de retour. C’est donner ce qu’on reçoit, sans chercher à savoir comment cela va être utilisé, c’est donner sans calcul, c’est donner de la joie, de l’amour, de la compassion, de la compréhension, c’est voir en son prochain la parcelle du Dieu qui est aussi en chacun d’entre nous.

Le sens profond de ce mot nous entraine bien au-delà de la simple obole versée au mendiant, il nous fait oublier cette charité primaire, utile sans doute, mais vraiment basique, pour nous tourner vers le Christ qui était La Charité même, non seulement par lui, mais aussi par le Père qui était en lui.

Lorsqu’on pense charité on a tendance à penser presque automatiquement à l’aspect matériel, mais le côté  spirituel est encore plus important, il a pour nom indulgence, compréhension, compassion, don de soi, amour… Ce mot si simple, qui peut nous paraître indigent, à tel point qu’il fait penser en priorité aux  pauvres, renferme en vérité une richesse inestimée, et une infinité de domaines dans lesquels il a sa place.

La prière

Elle doit avant tout être une démarche gratuite : prier par nécessité ou par intérêt, pour demander telle ou telle chose, est en effet à la portée de tout le monde, mais le faire sans raison particulière, pour rendre hommage et allégeance à un Dieu qu’on respecte et qu’on aime, aide à acquérir une certaine sagesse, à trouver une paix intérieure qui rassure, réconforte, et peut amener un regard lucide et profond sur nos proches, et sur le sens de notre vie.

Prier c’est aimer et se laisser aimer, c’est aller à la rencontre d’un Dieu qui est tout amour, et entrer en communion avec Lui.

Il faut absolument éviter de réciter de façon mécanique, comme une litanie, les prières apprises par cœur, il faut faire preuve d’une certaine concentration, et penser vraiment aux mots que l’on prononce, et qui nous engagent.

Il n’est pas obligatoire non plus, de réciter en permanence les prières qu’on nous a apprises, nous pouvons aussi inventer nos prières, c’est la sincérité avec laquelle nous nous exprimons qui compte avant tout.

La prière est un échange : je donne mon amour et ma foi, et je reçois la bénédiction et la joie.

Ne pas oublier que dans notre prière nous demandons que la volonté de Dieu s’accomplisse, et non la nôtre… Etre conscient de notre totale dépendance. Se mettre sous Sa protection, et se libérer, en Lui confiant la gestion de nos problèmes, me paraît être la bonne démarche.

Combien de fois faut-il prier ?…  Les musulmans pratiquants prient cinq fois par jour, et je crois qu’il est demandé aux catholiques de prier deux ou trois fois par jour. Je pense pour ma part, qu’il ne faut pas prier par obligation : chacun doit ressentir ce besoin, et le pratiquer autant de fois qu’il le souhaite.

Ce n’est pas au nombre de prières que nous serons jugés, ou que nous obtiendrons quelque chose, mais au poids, à la conscience, à la présence, que nous aurons apporté à celles-ci.

La prière c’est une petite lucarne qu’on ouvre dans le ciel, et qui nous met en contact direct avec Lui, c’est dans le secret et la confidentialité absolus qu’elle se déroule, et qui permet sans aucune gêne, de soumettre nos problèmes, nos craintes et nos angoisses à une force supérieure qui est capable de les comprendre et de nous aider à en trouver la solution.

Le pardon

 

Le pardon que l’on donne, et celui que l’on reçoit constituent deux démarches indispensables au bon fonctionnement de l’esprit humain.

Ne pas pardonner c’est entretenir et alimenter une haine qui va ronger notre cœur, et entretenir une spirale de violence, néfaste pour nous même et pour notre entourage.

La rancune est un poison tenace dont nous sommes les seuls à pouvoir nous libérer, et c’est par le pardon que nous y parviendrons.

Pardonner ne veut pas dire oublier, le pardon ne rend pas amnésique, mais il permet de relativiser, et de mettre de côté le grief concerné. Et si nous ne sommes pas assez forts pour donner ce pardon, il faut demander à plus fort que nous, par la prière, de nous y aider.

Lorsque nous accordons notre pardon, nous rendons au moins deux personnes heureuses : tout d’abord celle à qui nous avons offert ce pardon qui lui a enlevé un gros poids sur la conscience, et nous même qui nous trouvons libéré de cet écueil qui plombait notre moral.

Je pourrais en ajouter une troisième : notre âme que l’on soulage en allégeant sa mémoire déjà bien remplie, et même une quatrième : l’âme de celui à qui on a pardonné et qu’on libère aussi d’un poids qu’elle aurait eue à supporter, durant de longues et multiples incarnations.

Le pardon donné est donc un bénéfice pour chacun, mais qu’en est-il du pardon que l’on demande pour nous même ?…  pouvons nous pardonner à nous-mêmes lorsqu’il nous est impossible de le demander à la personne concernée ?…

Lorsque cette personne est encore de ce monde, il faut avoir la force et le courage d’aller lui demander son pardon, et si elle le refuse, ce n’est pas trop grave : nous avons fait la démarche, et nous sommes déjà pardonnés, ce serait-ce qu’à nos yeux, et … à ceux de notre âme et de son âme, qui se trouvent quand même allégées.

Lorsque cette personne n’est plus là, le pardon est encore possible, car son âme immortelle le recevra quand même, pour peu qu’on le lui demande.

Le juste milieu

 

Ces trois points qui me paraissent essentiels, mais sans doute pas uniques, car il y en a beaucoup d’autres, étant définis, il nous reste maintenant à en déterminer le dosage…

Passer son temps à prier dans les églises ou ailleurs, en négligeant d’assumer ses responsabilités vis-à-vis de sa famille, et de ses proches, ne me paraît pas être la bonne solution, cet isolement égoïste serait très mal perçu et donc, le résultat ne serait pas profitable.

Faire une prière tous les matins avant de vaquer à ses occupations, serait un bon commencement, encore faudrait-il bien penser et peser chacun des mots prononcés, et renouveler dans la journée quelques prières pour qu’on comprenne bien que celle du matin n’aura pas été accomplie une fois pour toutes, avant de  passer à autre chose.

La prière n’étant pas la seule    action, il faudrait aussi dans son comportement, avoir une position irréprochable, c’est-à-dire la plus juste possible, afin de ne point trop fâcher ou vexer ses interlocuteurs.

Ce comportement se traduisant autant par les actes, que dans les paroles, il ne s’agit pas de tout accepter, mais au contraire d’agir avec sagesse, et d’expliquer pourquoi certains faits, certains actes, certaines paroles, ne nous  conviennent pas.

La meilleure façon de procéder pourrait être de mêler le Père à notre vie de tous les jours : dès l’instant où Il est dans notre pensée, Il peut nous accompagner partout, ce qui donnerait à chacun de nos actes une dimension plus forte, plus saine, plus responsable… Ce qui nous amènerait aussi à agir avec une responsabilité et une lucidité qui nous éviteraient de commettre bien des erreurs.

Comme nous ne sommes pas encore des purs esprits vivant dans le ciel, nous devons  assumer notre vie matérielle et spirituelle, tout en poursuivant  notre quête vers la sagesse, tout en admettant que le matériel et le spirituel ne sont pas vraiment séparés, et que cette scission a bien été créée par nous même. Le juste milieu consistant en vérité, à rapprocher le bas et le haut, de telle sorte qu’ils en arrivent à se confondre, en ne privilégiant pas l’un au détriment de l’autre… C’est là que se trouve le secret.